Publié le 25 janvier 2018 - Par Nicolas - Catégorie: Les radars en général
Les mensonges pour justifier l'abaissement de la vitesse à 80 km/h

Tous les mensonges du gouvernement pour justifier le 80 km/h

Pour justifier l'abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes sans séparateur central, le gouvernement et la sécurité routière ont donné de nombreuses informations. Malheureusement, une étude attentive de celles-ci démontre que la plupart sont des mensonges avec des chiffres faux ou des affirmations inexactes. Le pire c'est que pratiquement toutes les preuves pour le démontrer se trouvent sur le site internet de la sécurité routière...

Voici donc la liste de toutes ces affirmations ainsi que les liens vers les pages internet ou les documents en ligne qui prouvent qu'elles sont inexactes.

L'augmentation de la vitesse moyenne, c'est faux

Lors de son discours de présentation des mesures prisent par le comité interministériel de la sécurité routière (CISR), le premier ministre Édouard Philippe a affirmé que la vitesse moyenne de circulation sur les routes de France "a augmenté de 4 km/h depuis 2012". Et pourtant cela est faux et la preuve se trouve sur le site internet de la sécurité routière.

En effet, dans son Observatoire des vitesses 2016, l'Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière (ONISR) révèle qu'en 2016 et par rapport à la période 2011-2012, la vitesse moyenne a évoluée très différemment selon le type de réseau. Elle augmente sur les autoroutes (+6 km/h) et sur les réseaux limités à 110 km/h (+ 2 à 3 km/h) mais reste stable sur les routes à 2 ou 3 voies ainsi que les routes en traversée de petite agglomération et elle est même en baisse sur les axes en agglomération moyenne.

Comment avec de tels chiffres officiels peut-on affirmer que la vitesse moyenne a augmenté de 4 km/h depuis 2012? Il ne peut même pas s'agir d'une moyenne prenant en compte le volume de circulation car la majorité des kilomètres parcourus chaque année en France le sont sur les voies communales et départementales donc celles où la vitesse est stable depuis 8 ans...

D'autant plus que même si il y a une hausse, celle-ci ne concerne pas du tout les routes ciblées par l'abaissement de la vitesse à 80 km/h puisque le même document indique bien que "les vitesses moyennes pratiquées par les véhicules de tourisme sur les routes à 2 ou 3 voies sont stables sur la période 2009-2016". En 2016, la vitesse moyenne sur les routes limitées à 90 km/sans séparateur central s’établit à 82 km/h donc bien en dessous de la vitesse maximum autorisée comme on peut le voir ci-dessous sur le graphisme de l'Observatoire des vitesses 2016.

Evolution de la vitesse moyenne sur les routes à 90 km/h

D'ailleurs dans le dossier de presse du CISR, on trouve un graphisme qui le démontre. Même si en le comparant à celui ci-dessus, on remarque que la courbe a été un peu "arrangée" pour faire apparaitre une légère hausse en arrêtant le graphique à l'année 2015 ou en ne mettant pas la valeur de 2012 au-dessus de celle de 2015 comme c'est pourtant le cas sur la courbe de l'ONISR.

Evolution de la vitesse moyenne sur les routes à 90 km/h CISR

Les distances de freinage sont plus courtes

Un des arguments majeurs de la sécurité routière pour l'abaissement de la vitesse à 80 km/h est que cela entraine un abaissement des distances de freinage. Si cela est vrai, ce sont les chiffres communiqués dans la documentation remise aux préfets et ceux indiqués dans le dossier de presse du CISR  qui sont à remettre en question. Et encore pire, ils ne correspondent pas du tout aux chiffres publiés sur le site de la sécurité routière sur une page qui a mystérieusement disparue depuis le CISR...

Tout d'abord, ces chiffres ont changés! Entre le mois de décembre avec le dossier envoyés aux préfets et le mois de janvier avec le dossier de presse du CISR, les distances de freinage indiquées ont été largement diminuées... Il faut dire que les premiers chiffres avaient fait largement réagir les spécialistes auto qui se demandaient comment la sécurité routière pouvait obtenir de tels chiffres.

Les chiffres dans le dossier préfets

Distance de freinage dossier préfets

Où est la rigueur scientifique lorsque en moins d'un mois, les valeurs varient autant entre deux infographies ayant la même source?

Les chiffres dans le dossier CISR

Distance de freinage dossier CISR

Le pire c'est que devant "l’absence de documentation précise sur les performances de freinage', la sécurité routière a commandé en 2015 une étude scientifique sur le "freinage en situation d’urgence". Si la page présentant les résultats a mystérieusement disparu du site de la sécurité routière depuis le 12 janvier, vous pouvez toujours en voir une copie ou télécharger l'étude complète.

Tableau des distances de freinage étude CEREMA

Comme vous pouvez le voir dans ce tableau, elle démontre que contrairement à ce qui est indiqué sur les infographies ci-dessus, pour un véhicule de milieu de gamme, en l’occurrence une Renault Clio, la distance d'arrêt à 90 km/h n'est que de 43,4 mètres. De plus, le temps de réaction moyen n'est pas de 1 seconde mais de seulement 0,45 seconde. Bien loin donc des chiffres présentés dans les infographies officielles...

L'abaissement de la pollution est plus faible

Abaissement de l'émission de polluants avec le 80 km/h

Dans le dossier de presse du CISR, la sécurité routière affirme que l'abaissement de la vitesse maximum autorisée permet un abaissement de l’émission de polluants allant jusqu'à 30%. Malheureusement, pour donner ce chiffre, elle se base sur la simple page du site internet d'un particulier dont la dernière mise à jour remonte à 2004! Encore pire, vous pouvez chercher sur cette page, vous ne trouverez aucune mention de cette baisse de -30%...

Pourtant il existe bien une étude officielle réalisée en 2014 par l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) qui indique qu'avec une baisse de la limitation de vitesse, "la baisse des émissions peut atteindre 20% pour les oxydes d’azote et les PM10 et celle des concentrations de polluants dans l’air ambiant pouvant atteindre 8% selon les polluants".

En aucun cas cette étude ne parle d'un abaissement de -30% et en plus elle ne se base que sur la compilation de plusieurs études menées France et à l'étranger avec des abaissements de vitesse plus important et sur des voies rapides dont par exemple le passage de 110 à 90 sur le périphérique de Toulouse.

La baisse de la vitesse dans les zones tests plus faible

Dans son discours de présentation des mesure du CISR, le premier ministre à déclaré que dans les trois zones où est testé l'abaissement de la vitesse à 80 km/h, on avait enregistré un abaissement d'environ 7% de la vitesse moyenne pratiquée par les véhicules. Pourtant, dans son audition devant le sénat, le délégué interministériel à la sécurité routière à lui parler d'une baisse de 4 km/h de la vitesse moyenne... C'est à dire près de 2 fois moins!

Un chiffre qui semble en effet plus proche de la réalité car comme nous l'avons déjà publié, la sécurité routière a déjà donné une partie des conclusions des études du CEREMA sur la vitesse moyenne dans les zones tests pour l'élaboration d'un rapport sénatorial. Sur la première année de l'expérimentation, la baisse de la vitesse moyenne se situe effectivement aux alentours des 4% avec un effet qui diminue avec le temps puisque sur deux des trois tronçons, la vitesse moyenne est repartie à la hausse après un an d'expérimentation.

Le nombre de routes concernées est plus important

Dans le discours du premier ministre au CISR mais aussi dans le dossier préfets ou encore dans les différentes interviews du délégué interministériel à la sécurité routière, on nous dit que ce sont 400 000 kilomètres de routes qui seront concernées par l'abaissement de la vitesse à 80 km/h.

Lorsque l'on sait que le réseau routier français est composé de plus d'un milliard de kilomètres de routes, on se demande bien comment le gouvernement a pu arriver à un tel chiffre... Pourtant c'est simple, il a totalement oublié d'inclure dans son calcul les 650 000 kilomètres de voies communales! Comme ces dernières ne sont pas en intégralité située en agglomération limitée à 50 km/h, le nombre total de routes concernées par l'abaissement à 80 km/h devrait plutôt se situer aux environs de 800 000 kilomètres soit le double de ce qui est annoncé... Un oubli d'autant plus étonnant qu'il y a tout de même eu 159 personnes qui ont perdu la vie sur ce type de réseau en 2016.

L'augmentation du nombre de morts sur les routes

Evolution du nombre de morts sur la route

Toujours lors de son discours au CISR, le premier ministre a présenté un graphisme anxiogène voulant démontrer une forte hausse de la mortalité sur les routes ces trois dernières années. Si ces chiffres sont exacts, il faut remettre les choses dans leur contexte. En effet, d'après l'ONISR, si le nombre de victimes a bien augmenté entre 2013 et 2016 passant de 3268 à 3477 victimes, le nombre de victimes comparés au nombre de kilomètres parcourus reste stable à 5.8 morts par milliard de kilomètres parcourus.

Bizarrement, ce chiffre n'est pas du tout évoqué dans le discours officiel alors que lors de son audition devant le sénat, Emmanuel Barbe a pourtant déclaré clairement qu'il fallait prendre en compte le "ratio du nombre de mort par milliard de kilomètres parcourus" afin de pouvoir se comparer aux pays voisins qui ne disposent pas des mêmes types de réseaux ou sur dans lesquels le nombre de kilomètres parcourus est différent.

Donc d'un côté on ne peut pas comparer les résultats en matière de sécurité routière dans des pays voisins où la vitesse autorisée sur le réseau secondaire est plus élevée sans prendre en compte le nombre de kilomètres parcourus mais cela ne pose pas de problème lorsque l'on veut démontrer la forte hausse de la mortalité sur les trois dernières années...

Vous pouvez consulter l'Évolution comparée de la mortalité et de la circulation routière en métropole entre 1952 et 2016 sur le site de la sécurité routière.

Un bilan de l'expérimentation "plutôt positif"

L'abaissement de la vitesse a été testé sur 86 kilomètres de routes nationales. Le bilan de ces deux années d'études a été dévoilé en catimini par le premier ministre dans une lettre adressée à un sénateur.

Pour Edouard Philippe, "l'analyse de l'accidentalité est positive" puisque 20 accidents faisant 3 morts et 42 blessés ont été enregistrés sur ces routes entre le 1er juillet 2015 et le 1er juillet 2017 et que en comparant ces résultats à ceux enregistrés au cours des 5 années précédentes, montrait qu'il y avait autant de blessés mais deux fois moins de morts et aussi moins d'accidents.

Pourtant, en se basant sur la base de données des accidents corporels de la circulation, l'étude que nous avons effectuée démontre que le bilan n'est pas aussi favorable que cela. Déjà parce que les chiffres annoncés par le premier ministre sont faux. La base de données qui n'est disponible que jusqu'à fin 2016 indique que dans les zones de l'expérimentation, il y a eu durant cette période 15 accidents faisant 3 morts et 40 blessés. Comme ces données ne recensent que les accidents corporels, les 5 accidents supplémentaires apporteront au minimum 5 blessés supplémentaires à notre décompte...

De plus, en comparant avec les 3 périodes de 18 mois précédentes, on s'aperçoit que si le nombre de morts est bien en baisse, le nombre d'accidents enregistrés est  lui seulement en légère baisse mais que par contre, le nombre total de victimes est lui en forte hausse.

Lors de son audition devant le Sénat, Emmanuel Barbe n'a pu faire autrement que d'utiliser la langue de bois chère à nos politiciens en parlant d'un bilan de l'accidentologie "plutôt positif" tout en mettant en garde contre ces résultats qui ne peuvent pas être significatifs car ils portent sur un trop petit nombre de route et une durée beaucoup trop courte.

Une démonstration bâclée

Alors qu'avec l'abaissement de la vitesse maximum autorisée à 80 km/h, le gouvernement veut prendre une "mesure de rupture" qui aura des effets à long terme sur l'accidentologie, il use de démonstrations bâclées avec des chiffres qui sont faux ou à remettre en cause.

Avec tout cela, on comprend bien qu'il faut convaincre à tout prix le plus grand nombre de la pertinence de cette mesure même si pour cela il faut user de chiffres obtenus avec des mesures empiriques plutôt que des mesures scientifiques.

D'autant plus que l'acceptabilité de cette mesure est loin de faire l'unanimité avec la majorité des français qui y sont opposés et qui en plus ne croit pas en ses effets sur l'accidentologie.

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